Martine Keryer, secrétaire national et médecin du travail, vous présente son point de vue paru dans le quotidien L’Humanité, ce 3 mars 2014 :
Il existe au sein de nos entreprises un mal silencieux, sournois, qui ne déclenche pas autant d’émotions qu’une tentative de suicide. Pourtant ce mal tue à petit feu un nombre de plus en plus important d’encadrants de nos entreprises. Ce broyeur silencieux s’appelle le burn-out.
Le concept du burn-out (épuisement professionnel) apparait dans les années 70 et a pu être quantifié à partir des années 1980 par les études du Pr Christina Maslach. Le burn-out a en premier lieu touché les métiers de la relation aux autres. Depuis quelques années les nouvelles organisations de travail ont transformé ce mal en épidémie qui atteint de plus en plus les cadres. Comment expliquer cette pathologie qui touche les plus investis dans le travail ?
Le salarié qui n’a pas les ressources pour faire face aux contraintes que lui impose son travail (définition stress ANI stress 2008) subit le assauts du cortisol, l’hormone du stress chronique et peut alors être victime d’un grand nombre de pathologies notamment un syndrome dépressif et de graves troubles de la concentration et de la mémoire. Le salarié se trouve parfois dans l’impossibilité d’effectuer correctement son travail. Il devient insatisfait au travail, se remet en question, devient cynique et frustré, s’isole du reste de l’entreprise.
Cette souffrance au travail, cette perte de sens, les injonctions contradictoires, la politique forcenée du reporting sont autant de coups portés au bien-être au travail. L’homme n’est plus au centre de l’entreprise. Au fil des ans, l’ENTREPRISE n’a plus pour projet que la rentabilité immédiate.
La CFE CGC tire la sonnette d’alarme. Elle exhorte le MEDEF, signataire de l’accord sur la Qualité de vie au travail de juin 2013, d’ouvrir enfin les négociations sur ce thème. Cet accord remet les encadrants et managers dans la boucle de l’élaboration de la politique de l’entreprise, donne aux cadres les moyens d’exécuter leur missions, permet de créer des espaces de régulation et de discussion du travail. La CFE CGC exige le droit pour les cadres aux forfait-jours à l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, ainsi que le droit à la déconnexion.
Pour la CFE-CGC, il est temps de faire apparaitre au grand jour la pathologie du burn-out, de la faire reconnaitre comme étant liée au travail et inscrire dans le tableau des maladies professionnelles. Ces maladies hautement invalidantes sont actuellement prises en charge par les cotisations des salariés. Elles doivent être assimilées aux autres maladies professionnelles et accidents du travail, donc assumées en termes de financement par les entreprises. Les patients seraient alors mieux indemnisés et les entreprises convaincues de la nécessité d’une véritable prévention pour minimiser le choc du burn-out.
Le travail doit être, pour le salarié, un moyen de s’épanouir et, pour l’entreprise, un moteur de compétitivité dans un rapport de subordination gagnant-gagnant.
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